FIGUREZ-VOUS... que les romans et récits qui ont pour cadre la maison de retraite ou l'EHPAD tendent à ironiser sur les façons de nommer les personnes qui y habitent

Cathy DISSLER, docteure en langue et littérature françaises, s'intéresse à l’expérience et aux représentations de la vie en établissements hébergeant des personnes âgées. Sa recherche croise un corpus de fictions littéraires composé de 23 romans réalistes et récits de filiation, et un corpus d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de cinq hommes et de six femmes vivant en EHPAD. Elle a analysé la façon de nommer les vieilles et les vieux de manière collective ou individuelle, en contexte institutionnel ou non.

Il ressort des entretiens que l’emploi de la locution « personnes âgées » conduit à une forme d’auto-correction normative, par exemple de la part de Madame F. : « on dit que la vieill euh que les personnes âgées ce sont des bibliothèques ». Un constat, sans doute malheureux et insatisfaisant, amène à penser qu’aucune façon de nommer n’est suffisamment juste ou acceptable.

Par contraste, le corpus d’œuvres littéraires réfléchit la diversité des vocables utilisés : « vieille », « vieillard », « hôte », « pensionnaire », « résidant », « résident », « habitant », « mamie », « papi »...  Par la modalisation autonymique (ie. cumul de l’usage d’un terme et de sa mention dans l’énonciation), les œuvres s’opposent aux discours figés, en les tournant souvent en dérision. Ce qui caractérise les romans et récits étudiés, c’est à la fois le refus des injonctions de langage et le refus des procédures d’atténuation ou des euphémismes (« personnes âgées »). Dans cette stratégie de dénomination des anciens, Olivia Rosenthal souligne le rapport à la norme (« on dit »/« on ne dit pas ») et l’accumulation des appellatifs qui diffractent et réduisent l’identité. 

Le mot choisi pour désigner la personne en institution décrira implicitement, malgré lui, l’expérience qui en découle : neutraliser les représentations est impossible.