Les figures du mois

La figure du mois présente un résultat clé issue d’une recherche, possiblement publiée, d’un.e doctorant.e, post-doctorant.e du champ, sous un format journalistique avec une figure ou illustration ainsi qu’une présentation en 300 mots.

Figurez-vous... que les organisations représentant les personnes âgées et les personnes handicapées participent de manière morcelée aux instances consultatives qui les concernent

Marion_SCHEIDER_YILMAZ

Données et réalisation :
Conseils consultatifs : CNCPH, Conseil de l’âge/HCFEA, CRSA GE, CDCA 08, CDCA 10, CDCA 51, CDCA 52, CDCA 54, CDCA 55, CDCA 57, CDCA 67, CDCA 68, CDCA 88.
Les arrêtés de composition exploités sont ceux qui étaient en vigueur sur la période de traitement (2018-2019).

Marion SCHEIDER-YILMAZ, sociologue, s’intéresse à la manière dont les organisations représentant les intérêts des personnes âgées et des personnes handicapées participent au processus de construction des politiques et des actions qui les concernent. Elle analyse pour ce faire les arrêtés de composition d’instances ayant vocation à inclure ces représentants.

Elle a ciblé les 10 Conseils Départementaux de la Citoyenneté et de l’Autonomie (CDCA) du Grand-Est. Ils ont été instaurés par la loi d’Adaptation de la Société au Vieillissement, pour rassembler de manière exclusive les acteurs des champs du vieillissement et du handicap. Pour diversifier les échelles territoriales, elle a également consulté les compositions de la Conférence Régionale de la Santé et de l'Autonomie (CRSA) Grand-Est, du Conseil de l’âge du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l'Âge (HCFEA) et du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH). À partir de ce matériau, elle dresse un portrait de l’espace de participation au sein de ces 13 Conseils.

Sur les 339 organismes qui y siègent, 230 représentent les personnes âgées, les personnes handicapées ou celles atteintes de maladies. Les autres représentent des professionnels et partenaires sociaux, ou des institutions et administrations œuvrant en direction de ces publics. Parmi les 4 organismes présents dans les 13 conseils, seule l’UNAF porte les intérêts des usagers. 81% des organismes recensés ne siègent que dans 2 à 3 conseils dans un même ensemble territorial, soulignant la faible articulation des échelles départementale, régionale et nationale. Parmi les 36 organismes présents dans au moins 10 conseils, seuls 14 défendent en réalité les intérêts des personnes concernées.

Ces résultats révèlent la diversité des représentants et la variabilité de leur présence dans les instances consultatives. Ce paysage particulièrement éclectique des représentants consultés interroge la circulation des informations et l’harmonisation des enjeux portés par ces acteurs.



 

Sociologue, Docteure de l’Université de Lorraine, Post-doctorante au Laboratoire PACTE de l’Université Grenoble Alpes.

Références :

Scheider-Yilmaz, M., Morales La Mura, R., « Société inclusive : Regards sociologiques », Ressource pédagogique en ligne disponible sur Canal U, Université de Lorraine.

Scheider-Yilmaz, M., Citoyenneté engagée et autonomie : le cas de la participation des personnes handicapées et des personnes âgées dans les Conseils Départementaux de la Citoyenneté et de l'Autonomie, Thèse de doctorat en sociologie, Université de Lorraine, 393 p.

Scheider-Yilmaz, M., Morales La Mura, R., (2021), Participation des usagers : du champ des possibles aux modalités réelles de représentation, Pensée plurielle, n°53, pp. 36-52.

Moulaert, T., Scheider, M., Viriot Durandal, JP. (dirs.), 2018, Vieillissement et territoires. Défis démographiques, enjeux démocratiques, Volume II : Adapter les territoires au vieillissement, un enjeu de citoyenneté, Retraite & Société, n°79, 187 p.

Viriot Durandal, JP., Moulaert, T., Scheider, M., Garon, S., Paris, M., 2018, Adaptation des territoires au vieillissement : politiques publiques et formes d’agencement démocratique – Les exemples de la France et du Québec, Retraite & Société, n°79, pp. 17-41.

Scheider, M., Moulaert, T., Viriot Durandal, JP. (dirs.), 2017, Vieillissement et territoires. Défis démographiques, enjeux démocratiques, Volume I : Définir les territoires et les adapter au vieillissement, Retraite & Société, n°76, 171 p.

Viriot Durandal, JP., Scheider, M., 2016, La démarche Villes et communautés amies des aînés. Quand vieillir devient un enjeu international pour les sociétés contemporaines, Vie Sociale, Nouvelle série n°16, pp. 177-195.

 

Figurez-vous... que le non-recours aux prestations sociales destinées aux personnes âgées aidées et à leurs aidant-es relève en partie de freins juridiques

© ILVV Figure du mois. E. Zerillo

Données issues de : (1) M. Ramos-Gorand, Le non-recours à l’APA à domicile vu par les professionnels de terrain, Les dossiers de la Drees: 10, 2016 ; (2) DSS, Rapport d’évaluation de l’allocation journalière du proche aidant, 2022.

Emma ZERILLO, doctorante en droit, s’intéresse à l’accessibilité des droits sociaux à caractère familial. Les personnes âgées, placées au centre de la famille au travers des différentes situations d’aidance, sont l’un de ses sujets de recherche.

Elle entend éclairer les motifs du non-recours d’un certain nombre de couples « aidant-aidé » à des prestations sociales auxquelles ils ont droit. Les études de la DREES* et de la DSS* révèlent l’ampleur du phénomène. Entre 20 % et 28 % de personnes éligibles ne bénéficient pas de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Plus marquant encore, l’évaluation de l’allocation journalière du proche aidant (AJPA), destinée à rémunérer le congé de proche aidant, donne un taux de recours actuel autour de 2,5% par rapport à l’étude d’impact qui avait été réalisée.
 

Face à ce constat, la recherche d’Emma ZERILLO met au jour les déterminants juridiques qui freinent le recours. À partir de travaux parlementaires, d’enquêtes de terrain, d’études statistiques et doctrinales, elle met en exergue quatre facteurs explicatifs. Le premier est la difficulté pour l’aidant-e à s’identifier comme tel. Cette étape est pourtant essentielle dès lors que la qualification juridique « d’aidant » permet l’application du régime juridique correspondant et l’octroi des droits sociaux. Le deuxième facteur concerne la faible lisibilité des dispositifs en raison de la dispersion du régime juridique à travers de multiples sources et de conditions d’accès variables d’un droit à l’autre. Le troisième est lié à la lourdeur des démarches administratives qui englobe la multiplicité des démarches à entreprendre, la nécessité de contacter de nombreux interlocuteurs et des délais de procédure inadaptés. Enfin, la complexité du recours contentieux, réparti entre plusieurs juridictions, constitue le quatrième facteur en cause dans le non-recours.

*DREES : de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques / DSS : Direction de la sécurité sociale

 

Doctorante ATER au Centre de Droit Social à la Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix-Marseille Université.

Références : `

E. Zerillo, « Accessibilité des droits sociaux à caractères familiaux », Thèse en préparation, Centre de Droit Social, Faculté de Droit et de Science Politique, Aix-Marseille Université.

E. Zerillo, « Accessibilité des droits sociaux à caractères familiaux - les freins à l’accès aux droits des aidants », intervention orale in Séminaire Crisis, Être étudiant et aidant : quels enjeux à l’université ?, Séminaire 2 – « place de l’aidance dans la famille », Aix-en-Provence, 13 mars 2023.

Figurez-vous... que la pension de réversion en France protège les retraitées veuves d'une chute de 39% de leur niveau de vie en moyenne

: Évolution du niveau de vie des hommes et femmes faisant face à un veuvage (intervalle de confiance à 95%)

Évolution du niveau de vie des hommes et femmes faisant face à un veuvage (intervalle de confiance à 95%)

Source : Échantillon Démographique Permanent. Fichier fiscaux (2011-2018). Champ: Femmes et hommes ayant fait face au veuvage entre 2011 et 2017. Régression avec effets fixes individuels et effets fixes annuels.
Lecture : le veuvage a un effet significativement positif sur le niveau de vie des hommes veufs. Un an après le décès du conjoint, leur niveau de vie augmente en moyenne de 5323 euros, soit de 22%, comparé à l'année précédent le veuvage.

Léa CIMELLI, économiste, travaille sur les conséquences économiques des histoires conjugales, au moment de la retraite. Elle s'intéresse au dispositif de pension de réversion. Il prévoit, lorsqu'il y a eu mariage, le versement d'une partie de la pension du conjoint décédé (ou ex-conjoint) au survivant, pour soutenir le niveau de vie de ce dernier. Alors que certains coûts du ménage sont peu compressibles (ex. autour du logement), la perte de la pension du conjoint comme ressource pourrait dégrader la situation économique du survivant. Ce dispositif cible surtout des femmes : avec leurs carrières hachées et moins rémunératrices, les revenus du ménage reposent plus largement sur les revenus du conjoint, et elles leur survivent plus souvent.

A partir des données fiscales françaises de l’Échantillon Démographique Permanent (2011-2018) et d'une méthode économétrique d’analyse d’événements (event studies), Léa CIMELLI quantifie l’évolution du niveau de vie des époux confrontés au veuvage (somme des revenus du ménage par unité de consommation) et le rôle de la réversion.

Elle montre qu'un an après le décès (vs un an avant), le niveau de vie avec réversion (courbes pleines) des conjointes augmente de 5% et celui des conjoints de 22% ; ces derniers disposent alors plus largement de leur propre pension plus élevée et de la part de la conjointe. Sans réversion (courbes pointillées), le niveau de vie des hommes augmente (+8%), alors qu'il chute de 39% pour les femmes.

Ces résultats, nouveau en France, montrent l'effet de lissage du niveau de vie, qui protège les femmes d'une forte dégradation des conditions de vie économiques au moment du veuvage. Ils éclairent les débats sur ce dispositif, notamment sur l'éligibilité des seuls couples mariés, alors que la part des unions libres s'accroît et que les revenus masculins contribuent toujours davantage aux ressources des ménages.

 

Doctorante à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, accueillie à l'INED

Références : `

Léa Cimelli, Carole Bonnet et Anne Solaz, « The Gendered Economic Consequences of Grey Divorce in France », working paper (2021)

Léa Cimelli, « Are the widowed too much insured? The role of survivor pension on the economic situation of the widowed in France », working paper (2022)

Léa Cimelli, « Late divorce and delayed retirement, Change in the labor supply upon grey divorce », working paper (2023)

Léa Cimelli, « Les conséquences économiques des ruptures d'union après 50 ans, en France », Paris 1, thèse en préparation

 

Figurez-vous... que l’articulation des parcours professionnels et familiaux des femmes, avant leur 50 ans, est associée à leur chance de vieillir en bonne santé

Figure Beaufils_Mars 2023

Odd-ratios de la probabilité de mauvaise santé perçue des femmes de 50 ans ou plus, selon les 10 classes représentant leur histoire familiale et leur carrière (entre 18 et 50 ans) (intervalles de confiance à 90%)

Note: Les femmes de 50 ans et plus sont réparties en 10 classes issues d'une analyse de séquences, selon les caractéristiques marquantes de leur parcours familial et professionnel ; l'indicateur de santé perçue est comparé à celui de la classe de référence (carrières continues à temps plein, 1er enfant après l'âge médian) dans un modèle de régression logistique, ajusté sur l'âge, la situation conjugale en 2010, le niveau de diplôme, l'origine sociale, la qualification au premier emploi, la nationalité à la naissance, la santé passée.
Source: Enquête Santé et itinéraire professionnel, 2010
Lecture: Les femmes âgées de 50 ans ou plus en 2010, qui ont eu un enfant autour de l'âge médian et une carrière continue à temps plein (entre leur 18 et 50 ans) ont une probabilité de mauvaise santé perçue significativement plus élevée que celle de la classe de référence (avec un intervalle de confiance à 90%).

Constance BEAUFILS, socio-démographe, étudie les liens entre les parcours de vie et la santé aux grands âges. Elle combine des approches quantitatives et qualitatives.

L’enquête “Santé et Itinéraire Professionnel” (2006-2010), lui permet de construire une typologie répartissant les femmes (50 ans et plus) en dix classes croisant trois “carrières-types” (continue-temps plein ; passage à temps partiel ou interruptions ; sortie définitive) et cinq “familles-types” (premier enfant à l’âge médian -24 ans- ; avant cet âge ; après cet âge ; mères sans conjoint ; sans enfant). Plusieurs indicateurs de bien-être, ici la santé perçue, sont mobilisés. Trente entretiens, conduits auprès de femmes ayant interrompu leur carrière, complètent les analyses.

Elle montre que les femmes au-delà de 50 ans sont en meilleure santé lorsqu'elles ont eu une carrière continue à temps plein, qu'elles aient eu un premier enfant avant ou après l’âge médian, y compris en ayant vécu sans conjoint, ou qu’elles n’aient pas eu d’enfant.

Celles qui ont eu un premier enfant vers l’âge médian, en restant en emploi (temps plein ou partiel), sont en moins bonne santé ; leurs scores d’anxiété et d’absence de soutien sont plus élevés, suggérant des difficultés d’articulation des vies familiale et professionnelle, à un moment charnière de la carrière. Les interruptions ou sorties définitives sont aussi associées à une mauvaise santé ; les entretiens décrivent un déclassement professionnel, anticipé ou vécu, des difficultés financières, surtout en cas de séparation ou de difficulté d’emploi du conjoint, et une stigmatisation sociale.

Dans le contexte français, les histoires familiales des femmes ne semblent pas associées à une moins bonne santé quand leur carrière est continue à temps plein ; c’est cependant le cas avec un premier enfant vers l’âge médian ou des trajectoires distantes de l’emploi, probablement en raison de difficultés financières ou organisationnelles, qu’il faudrait davantage étudier.

 

Post-doctorante à l'Ined, projet GINCO

Références : `

Constance Beaufils, 2022, "L'inactivité professionnelle au cours du parcours de vie : un déterminant social de la santé des femmes aux âges élevés ?". Institut National d'Etudes Démographiques - Aubervilliers : Université Paris Saclay. http://hdl.handle.net/20.500.12204/AYWHkxnLLg0aT10RubGZ

Beaufils, C., Barbuscia, A., & Cambois, E. (2023). Women’s Employment–Family Trajectories and Well-Being in Later Life: Evidence From France. Journal of Aging and Health, 0(0). https://doi.org/10.1177/08982643221147637

Figurez-vous... que l'analyse des pratiques langagières des personnels des EHPAD donne à voir des compétences professionnelles conceptualisables avec l’Intelligence Artificielle.

© ILVV_Marie Lefelle - Figure février 2023

Conceptualisation des pratiques langagières des personnels d'EHPAD

Marie LEFELLE, docteure en sciences du langage, travaille sur les discours professionnels dans le domaine de l’aide aux personnes âgées dépendantes. Il s'agit d'identifier et de définir les compétences langagières spécifiques de ce secteur, notamment du fait des troubles variés qui affectent la prise de parole des résidents âgés. Or la mise en œuvre de formations professionnelles dans une perspective qui inclut l’action et le langage, fait encore aujourd'hui cruellement défaut. Les recrutements en établissement ne requièrent pas de formation dédiée aux personnes âgées dépendantes.

Dans ce contexte, Marie LEFELLE participe au projet de recherche « Intelligence artificielle et pratiques langagières en EHPAD » visant à établir un outil prédictif des interactions en EHPAD et in fine une application dédiée aux professionnels de l’aide et du soin en établissement spécialisé. Elle s'appuie sur un corpus constitué d’enregistrements audio et vidéo récoltés en établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), Marie LEFELLE observe les interactions aidé-aidant. À l’aide d’outils d’intelligence artificielle, elle analyse le lexique mobilisé dans les échanges, qu'elle conceptualise sous forme de variables (difficultés à l’interaction, persévération, agressivité …). Elle les catégorise en une typologie de situations (ex : troubles du langage,…), puis elle les relie aux stratégies adoptées par les professionnel.les (modulation de la voix, propos rassurants, approbation...). Les premiers résultats montrent que les éléments déclencheurs et les stratégies mises en place sont caractéristiques des interactions en établissement spécialisé ; ils sont interprétés par l’outil pour être ensuite mobilisés en vue de l’analyse des pratiques et l’acquisition des compétences. Ils dévoilent des discours portant une parole efficace, adaptative mais surtout professionnelle. Outre la mise en lumière du besoin de professionnaliser ces métiers, allant de pair avec la valorisation des missions, cette recherche va permettre de contribuer à une formation adaptée de ce personnel.

Docteure en Sciences du langage associée au laboratoire Grammatica, Université d’Arras
Projet Intelligence artificielle et pratiques langagières en EHPAD :  laboratoire Grammatica (UR4521), Sciences du langage et le Centre de Recherche en Informatique de Lens (CRIL UMR 8188).

Publications :

  • Lefelle, M., Mangiante, J.-M., 2022, Apports des référentiels numériques de compétences en français professionnel à l'enseignement du français sur objectif spécifique dans « Collection Champs Didactiques Plurilingues : savoirs pour savoir-faire » dirigée par Jean-Marc Mangiante et Chantal Parpette, Bruxelles, Peter Lang.
  • Lefelle, M., 2022, Interdiscursivité et transmissions orales dans le domaine de l’aide à la personne avec les personnes âgées, SHS Web of Conferences Volume 133, Varia langage et soins 2020 – Regards croisés sur le langage dans la pratique du soin. ISBN: 978-2-7598-9117-7 (https://www.shs-conferences.org/articles/shsconf/pdf/2022/03/shsconf_varia2020_01003.pdf)
  • Lefelle, M., 2022, Obstacles à une bonne pratique et omission du concept de pudeur dans le soin aux personnes âgées Étude réalisée en contexte de formation et en milieu professionnel, Revue Paradigme, Volume 5, Numéro 2, Pages 123-133. ISBN : 2602-7933. https://www.asjp.cerist.dz/en/downArticle/646/5/2/187026
  • Lefelle, M., 2021, Création d’un outil en ligne : le référentiel de compétences langagières et le domaine de l’aide à la personne avec les personnes âgées, Revue Didaskein, Volume 2, Numéro 1. ISSN : 2273-286X. https://www.asjp.cerist.dz/en/article/162437
  • Lefelle, M., 2021, La perspective du genre professionnel dans le domaine de l’aide à la personne avec les personnes âgées, Thèse défendue le 15 janvier 2021 sous la direction de Jean-Marc Mangiante, Université d’Artois, Arras.

Figurez-vous... que les solidarités autour des personnes âgées camerounaises mobilisent les acteurs d'un large réseau intra- et extra-familial

©Kahou_ILVV_Figure du mois de janvier

Lecture : L'épaisseur de la flèche représente la fréquence des interactions. En ordre décroissant : Conjoint/conjointe ; Fils et Filles ; Beaux-fils et belles filles ; Petit Fils et Filles ; Associations ou Communautés ; Membre de la grande familles (Cousins, neveux, nièces …)

Jasmine KAHOU NZOUYEM, Géographe, s’intéresse aux questions de vulnérabilité et conditions de vie des personnes âgées en Afrique, et aux politiques publiques qui leur sont destinées. Elle part du constat que les personnes âgées en Afrique font face à plusieurs formes de vulnérabilité : économique, sociale, et sanitaire. À partir d'une enquête quantitative conduite auprès de 462 personnes âgées de 60 à 102 ans, vivant en zone rurale au Cameroun en 2019, elle a recueilli des informations sur leurs conditions de vie et les solidarités qui s'organisent autour d'elles.

Elle montre que moins de 10% de ces personnes reçoivent une pension retraite. Le faible taux de couverture sociale est dû au fait que les travailleurs du secteur informel, nombreux parmi ces personnes, sont exclus du système de sécurité sociale. Ces personnes âgées éprouvent des difficultés à subvenir elles-mêmes à leurs besoins économiques et sanitaires. Elles doivent s'appuyer sur le soutien matériel et financier de leur réseau social, qui constitue pour elles une forme de « sécurité sociale ». Le réseau social, entretenu tout au long du cycle de vie, s'étend à plusieurs générations de la sphère familiale et va au-delà de la famille proche. Il s'étend parfois au-delà de la sphère familiale, atteignant les cercles associatifs ou communautaires auxquels les personnes appartiennent. Il s'étend aussi géographiquement : l’exode rural ayant favorisé le déplacement des jeunes vers les villes, c’est aussi depuis le milieu urbain que s’organisent les chaînes de solidarité. `

La configuration des solidarités mobilisées dépend en partie du pouvoir économique des membres de la famille. La solidarité envers les personnes âgées unit parfois de façon contradictoire la volonté, la possibilité et l'obligation de prendre en charge. En effet, la conjoncture économique affecte les ressources des familles et vient éroder les solidarités familiales, qui deviennent plus sélectives.

Jasmine KAHOU NZOUYEM

Post-doctorante à l’Institut national d’études démographiques (INED), unité 15 Démographie des pays du Sud (DEMOSUD)

Publications :

  • Kahou Nzouyem. J.L, Yemmafouo.A., & Lémouogué, J. (2021). La famille au cœur de la prise en charge des personnes âgées à Bangang (Ouest-Cameroun). Espace Géographique et Société Marocaine, (355-380).
  • GUIRYAM Richard, LEMOUOGUE Joséphine, BOUYO KWIN Jim Narem et KAHOU NZOUYEM Jasmine Laurelle (2020). Afflux des refugies centrafricains et accroissement de l’insécurité alimentaire a Maro (sud du Tchad). Quelles conséquences sur la sante ? Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé, 3 (5), 157-171.
  • Joséphine Lémouogué, Éric Joël Fofiri Nzossie, Jasmine Laurelle Kahou Nzouyem, « Cameroun : les zones d’accueil des personnes déplacées, entre recomposition sociodémographique et gestion des personnes à besoins spécifiques », Alternatives Humanitaires, n°12, novembre 2019, p. 59-75

 

Figurez-vous... que les échanges via les tablettes numériques entre les résident-es des EHPAD et leurs proches requièrent une aide substantielle des professionnelles

C. Humbert_Figure de décembre 2022

Christophe HUMBERT, sociologue, travaille sur l’innovation dans l’accompagnement, les soins et l’inclusion des personnes âgées. Il interroge notamment le déploiement de solutions numériques dans les territoires et les espaces, et analyse les transformations organisationnelles induites.

Au sein de l’équipe interdisciplinaire « INNOVEHPAD », il a étudié la manière dont les outils numériques (tablettes principalement) ont été mobilisés pour maintenir les liens sociaux des résident·es d’EHPAD en période pandémique. Sur la base de 36 entretiens semi-directifs, d'observations (une centaine d’heures dans 4 EHPAD) et le croisement de ses analyses avec celles des autres membres de l’équipe, il a identifié plusieurs idéaltypes de médiations socio-numériques du lien social.

Dans les situations les plus optimales, l'usage de la tablette relevait littéralement de l’« hygiaphone », permettant aux protagonistes de se voir et de s’entendre, sans risquer de s’infecter. D’autres situations relevaient de l’ « écran de fumée », du fait de l'étrangeté pour les résident·es au monde numérique, perturbant les interactions. Très souvent, les tablettes ont servi de « hublots sans tain », permettant aux proches de s’assurer que leur parent se porte bien sans qu’un échange effectif n’ait lieu. Hormis de très rares exceptions, les professionnelles de l'EHPAD étaient toujours mobilisées.

Elles ont réalisé une double intermédiation, à la fois technique et relationnelle. Elles s’effaçaient lorsque c’était possible au profit d’une intimité intra-familiale mais, usant de tact, elles intervenaient parfois pour reformuler des propos mal compris et veiller à réduire l’étrangeté de la situation par des explications. Elles ont souvent dû « prêter leur corps », comme pour les « visio d’adieu », les proches leur demandant de tenir la main du mourant. Le maintien du lien social à distance pour les résident·es d’EHPAD passe par une médiation qui s'avère complexe, nécessitant une implication substantielle des soignantes qui s'ajoute souvent à leurs activités habituelles.

Chargé de recherche en sociologie (PhD) - PSInstitut /Chercheur associé au laboratoire LInCS / UMR 7069

EN SAVOIR PLUS :

INNOVEHPAD et son approche transdisciplinaire (voir schéma)
Voir le résumé du projet sur les pages de l'ANR
(https://anr.fr/Projet-ANR-20-GES1-0004)

Figurez-vous… que l'avancée en âge augmente le risque d'accident de la vie courante, mais seulement à domicile et lorsque la santé est dégradée

Figure novembre_GBG

 

Greivis BUITRAGO GÁMEZ, économiste, travaille sur les Accidents de la Vie Courante des personnes âgées en France. Ils constituent l'une des principales causes de fragilité et dépendance, mais aussi de décès. Ils représentent un problème de santé publique en rason de leur impact en termes de bien-être, de besoins de santé et de dépenses médicales. Mieux en connaître les facteurs de risque est un enjeu important. Cette étude éclaire la manière dont l'âge et la santé peuvent être considérés comme déterminants.

L'Enquête Santé et Protection sociale (ESPS) réalisée par l'Institut de recherche et d'information en économie de la santé (IRDES), fournit des données sur les accidents dans sa vague de 2012. Greivis BUITRAGO GÁMEZ et ses collaborateurs ont associé, par des modèles logistiques, les déclarations d'accidents à des indicateurs de santé antérieure à la survenue de l'accident, à l'âge et à des pratiques à risque dans la vie quotidienne, en ajustant sur des variables socioéconomiques.

La probabilité d'accident augmente avec le nombre de problèmes de santé antérieurs. Elle augment avec l'âge à partir de 75 ans et ce particulièrement parmi les personnes ayant déclaré plus de deux problèmes de santé antérieurs ; c'est aussi le cas pour les accidents graves. En distinguant le lieu de survenue de l'accident, l'association avec l'âge est plus tardive pour les accidents graves à domicile. Pour ceux, moins fréquents, survenus à l'extérieur, la vulnérabilité est entre 75 et 79 ans. L'étude suggère par ailleurs un effet de pratiques à risque (personnes qui se déclarent plus aventurières ou audacieuses).

Ainsi, une santé détériorée est à la fois conséquence et cause des accidents de la vie courante. À partir de deux problèmes de santé et après 75 ans, l'âge devient une caractéristique significativement déterminante, montrant la nécessité d'ajuster les messages et actions de prévention.

 

Greivis BUITRAGO GÁMEZ

Économiste, Chercheuse associée au CRIEF, Université de Poitiers

  • Bonnal, L.Buitrago Gámez, G.Favard, P., & Oros, C. (2022).  Who gets injured at home? Evidence from older people in FranceBulletin of Economic Research,  00,  1– 26https://doi.org/10.1111/boer.12366
  • Ancelot, L., Bonnal, L., Buitrago Gamez, G., Depret, M. & Dupuy, M. (2019). Vieillissement, état de santé et accident de la vie courante. Revue française d'économie, XXXIV, 151-199. https://doi.org/10.3917/rfe.194.0151
  • Buitrago Gamez, G. (2021). Home and Leisure Injuries in senior French Population. [Thèse de doctorat, Université de Poitiers]

 

Figurez-vous… que le rapport au vieillissement des personnes âgées façonne leurs usages des technologies

@ILVV_2210_Klein

Perceptions du vieillissement et usages des technologies parmi les personnes âgées réunionnaises

Armelle KLEIN, sociologue, s’est intéressée aux usages par les personnes âgées réunionnaises des technologies de la santé et de l’autonomie (TSA : téléassistance, repérage de la fragilité), ou de l’information et de la communication (TIC : ordinateurs, smartphones, tablettes). Elle questionne notamment ce que le rapport des plus âgés au vieillissement donne à comprendre de ces usages.

Les Réunionnais âgés partagent une vision plutôt négative du vieillissement eu égard au parcours et conditions de vie difficiles que nombre d’entre eux ont connus. L’instabilité perçue de leur situation rend plus difficile une projection positive dans un futur. Dans ce contexte, Armelle Klein analyse l'articulation entre ce rapport au vieillissement et l'usage des technologies, pour apporter un éclairage sur l'exclusion numérique.

Les entretiens semi-directifs conduits auprès de 63 personnes âgées de 55 à 92 ans rendent compte de la manière dont elles investissent ou désinvestissent les activités du quotidien, pour s’adapter à l’avancée en âge. Elle a étudié ces reconfigurations dans les activités, à travers la grille d'analyse théorisée par le concept de déprise. Elle a dégagé trois formes de rapport au vieillissement, qu'elle relie aux usages technologiques aussi décrits dans les entretiens.

Le rapport « fataliste » au vieillissement s'associe au désengagement ou au refus d’utiliser ces technologies, quand le rapport « passif » s'articule à un usage fortement soumis à l’encouragement ou découragement des proches. Un rapport « combatif » allie la volonté de s’ancrer dans la société et le recours aux technologies pour préserver son autonomie et asseoir son existence au présent. Ces résultats montrent la proximité des usages technologiques et de la perception de son propre vieillissement. Ils suggèrent des actions tenant compte de cette perception, pour limiter l’exclusion numérique de ces personnes et favoriser leur recours aux services apportés par les technologies.

Post-doctorante (Inserm, UMR Ceped, Université Paris Cité), elle a réalisé sa thèse à l’Université de La Réunion.

  • Klein A., Sandron F., 2021, « La mobilité résidentielle comme cause et conséquence de la vulnérabilité chez les personnes âgées à La Réunion », Populations vulnérables, n°7, p. 34-49.
  • Klein A., 2019, « Technologies de la santé et de l’autonomie et vécus du vieillissement », Gérontologie et Société, Vol. 41, n°160, pp.33-45.
  • Klein A., 2018, Vieillissement, innovation et territoire, le cas de l’île de La Réunion, Paris, L’Harmattan, Coll. Populations, 284 p.
  • Klein A., Sandron, F., 2018, « Défis et opportunités dans les politiques publiques de santé territorialisées : le cas de la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie à La Réunion », Autrepart, Vol. 2, n°86, pp.103-123.
  • Klein A., Sandron F., 2017, « Vieillissement de la population et politiques publiques réunionnaises à l’échelle infra-territoriale », Revue Quételet, Vol. 5, n°1, pp.99-125.

 

Figurez-vous… que lorsque des conjoints aident un parent, l'investissement dans les activités du foyer diffère, mais pour les conjointes seulement

© ILVV_Marie BLAISE_Figure du mois_07/2022

SOURCE : Enquête "Emploi du Temps" de l’Insee (2009-2010). CHAMP :  2124 couples cohabitants, dont au moins l’un des deux membres du couple est âgé de 50 ou plus. MÉTHODOLOGIE : modèle en deux étapes avec variable instrumentale. L’offre d’aide informelle est "instrumentée" par le fait d’avoir au moins un parent en vie. NOTE : effets estimés et intervalles de confiance à 95%.

MARIE BLAISE, économiste, travaille sur la manière dont l'aide apportée à un parent âgé en perte d'autonomie modifie la contribution de l'aidant·e aux activités domestiques de son foyer. Dans cette recherche, elle s'intéresse aux différences de genre, alors que l'aide apportée par les femmes et les hommes diffère : les femmes apportent une aide plus intensive et plus fréquente pour les tâches ménagères et les soins au corps, quand les hommes aidants se spécialisent dans les tâches administratives et les transports.

À partir des données de l'enquête "Emploi du Temps", Marie BLAISE et ses collègues analysent le temps consacré aux activités du foyer par les deux partenaires d'un couple, en comparant les ménages dont au moins l'un des conjoints est aidant·e, les "ménages aidants", aux non-aidants. Sont pris en considération les activités du foyer suivantes : activités ménagères, notamment celles dites ingrates (vaisselle, rangement, nettoyage, tâches administratives), l'aide aux enfants et les temps de loisirs. Les analyses montrent que les ménages aidants se distinguent par l'implication des conjointes aux activités du foyer, et seulement elles.

Ces ménages présentent un moindre investissement des conjointes lorsqu'elles sont aidantes : de 40 minutes par semaine dans les tâches ménagères, notamment les plus "ingrates". L'investissement des conjointes est plus important lorsque leur conjoint est aidant, qu'elles soient ou non aidantes elles-mêmes : d’environ une heure dans les tâches ménagères et de 40 minutes dans l'aide aux enfants. Les différences ne sont pas statistiquement différentes pour les autres activités et pour l'investissement des hommes. Soit que ces résultats illustrent des différences en amont entre les ménages aidants et non-aidants, effet que le modèle utilisé vise à contrôler, soit qu'il y ait un ajustement a posteriori, l'aide aux proches s'accompagnant d'une allocation des temps d'activité particulière, pour les conjointes plus que pour les conjoints.

Post-doctorante au Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER), elle a réalisé sa thèse dans le cadre de École doctorale Augustin Cournot et en partenariat avec Bureau d'économie théorique et appliquée (Université de Strasbourg).

Marie BLAISE. Essais sur la longévité, le vieillissement et l’aide informelle / Essays on longevity, ageing and informal care. Thèse d'économie de l'Université de Strasbourg, 2019.

Marie BLAISE.  Informal Care Provision and Time Allocation Within Couples. Avec S. JUIN (UPEC, ERUDITE, INED), H. LE FORNER (Université Rennes 1, CREM), Q. ROQUEBERT (Université de Strasbourg, BETA). Travail en cours.